1967, LE THEATRE DE LA MUSIQUE

La Gaîté-Lyrique est fermée au public jusqu'en 1967, année où l'Orchestre de Paris s'y installe afin d'abriter ses répétitions et une partie de ses concerts, sur l'initiative du Conseil Municipal de Paris. Le théâtre est rebaptisé pour l'occasion "Théâtre de la Musique". De brillants chefs d'orchestres se produisent à la conduite de l'Orchestre tel que Bernstein, Baudo, Munch ; l'on peut voir également des solistes célèbres : Samson François, Yordanoff. Cependant, l'acoustique est jugée mauvaise et le nombre de concerts diminue.

Fin 1969, Marcelle Tassencourt (directrice du théâtre Montensier de Versailles et responsable des matinées scolaires au théâtre Edouard VII, elle s'est notamment fait connaître par ses mises en scène d'Antigone, La Condition Humaine..) accepte de donner régulièrement des pièces classiques au théâtre de la Musique.

Photo D. R.
Roger Hanin dans Lorenzaccio


Elle monte alors Lorenzaccio (avec une distribution inédite : Jean-Pierre Andréani dans le rôle de Lorenzaccio, Roger Hanin dans celui du prince, Francis Perrin pour un petit rôle...), Knock et Egmont.

Le théâtre, une nouvelle fois sans directeur, sera loué pour abriter une comédie musicale, Sweet Charity - adaptation de R. Husson et mise en scène de Robert Manuel - avec Magali Noël dans le rôle titre.

En 1971, des pièces de Molière sont jouées en matinées scolaires. Mais les jours de relâche sont plus nombreux que les jours de représentation…

En juin 1971, sous l'égide de l'A.F.A.A., le théâtre de la Musique confirme sa nouvelle vocation de "théâtre du monde". Après les chants du Vietnam, le théâtre pantomime de Prague et des pièces canadiennes, il accueille un spectacle de Nô japonais.

Photo D.R.


Puis va suivre en ce mois de juin le grand événement de l'année 1971 : la représentation du Regard du Sourd de Robert Wilson, sorte de parade insolite entièrement muette dont la durée varie entre 5 et 7 heures et mettant en scène une trentaine d'acteurs, de danseurs ainsi que des animaux vivants…

Les fanatiques de théâtre emplissent tous les soirs la salle. "Je n'ai jamais rien vu de plus beau en ce monde" écrivit Aragon à André Breton.

Lorsque le Regard du Sourd avait été présenté au festival de Nancy, Bertrand Poirot-Delpech avait perçu une "révélation plastique comme on en observe seulement deux par génération".

Dès la fin des représentations acclamées du Regard du Sourd, l'ex-Gaîté-Lyrique représente alors La Belle Auvergnate, qui ne trouvera pas son public car le genre de l'opérette au début des années 70 est totalement démodé. Cependant les représentations ont lieu jusqu'en janvier 1972 et redonnent à l'opérette des opportunités: désormais, le théâtre du Châtelet et le théâtre Mogador programment des opérettes.

Le théâtre se trouve toujours délaissé et utilisé comme de "lieu de repli" par des ensembles instrumentaux… Lorsque le ballet de l'Opéra de Paris décide d'en faire un lieu de représentation : se produisent entre-autres à la Gaîté-Lyrique (nom ré-adopté pour l'occasion) des danseurs étoile comme Wilfride Piollet, Patrice Bart, Noella Pontois. Les pièces Phantasmes (chorégraphie de Jean Sarelli) et Trois pour un (chorégraphie de Nunez, musique de Stravinsky) y sont créées.


Nombre de ballets marquants dans l'histoire de la danse se succèdent : L'Oiseau de feu, chorégraphie de Béjart, Ecce Homo, Le Cygne noir, Le Boléro, Cantadaggio

Mais le Ballet finit par quitter les lieux et le théâtre renoue avec son genre de toujours en programmant l'opérette Phi-Phi d'Albert Villemetz. Plusieurs opérettes y sont filmées pour la télévision.

Pour la saison 1973-1974, le théâtre accueille les spectacles du théâtre de Chaillot alors en travaux (dont la direction incombait à Jack Lang). Ce dernier souhaite mettre en œuvre un projet de théâtre pour les enfants, par la création du premier théâtre national pour enfants.


La première pièce représentée n'entre pas dans ce programme, c'est un spectacle invité qui scandalise, bouscule, heurte ou captive :

La Dispute de Marivaux mise en scène par Patrice Chéreau, dans le cadre du Festival d'Automne à Paris.

Photo D.R.
Photo Claude Bricage

Les plus grands metteurs en scène contemporains créent à la Gaîté pour les enfants, leur offrent acteurs "en chair et en os", rythmes, couleurs tout en adaptant le langage afin de le rendre plus accessible.

En 1974, Princesse Turandot choque le public et déchaîne les critiques. Andréa Férréol dans le rôle titre, apparaît entourée de nains et, à en croire certains, leurs rapports semblent teintés d'une sensualité trouble malvenue pour un spectacle s'adressant à un jeune public.

En juin/juillet 1974, le Théâtre national japonais de marionnettes du Bunraku présente à la Gaîté un spectacle composé de trois pièces classiques japonaises de Monzaemon Chikamastu, considéré comme le "Shakespeare japonais".