1974, LE NOUVEAU CARRE DE SILVIA MONFORT

Photo Danielle Netter


Le 1er octobre 1974, Silvia Monfort, désignée par la Ville de Paris pour occuper le monument historique branlant, s'installe pour une durée de trois ans dans ce théâtre sans salle de spectacle… En effet, l'usage de la salle à l'italienne est interdite par le service de sécurité de la Direction des domaines de la Ville de Paris. Le Préfet de Paris déclara à ce propos : "nous avons un patron sans théâtre et un théâtre sans patron, mettons l'un dans l'autre". Silvia Monfort comprend peu à peu qu'il s'agit d'un sauvetage, car cette immense théâtre en ruine pourrait bien devenir un parking…


La conception d'une salle donne lieu à des travaux, solution de repli guère satisfaisante pour les acteurs, car "c'est un lieu terrible (…) avec des trous de silence dans certains endroits qui gênent beaucoup le jeu des acteurs" explique Sylvia Monfort.

Un chapiteau est installé dans le square Emile Chautemps, face au théâtre, après avoir obtenu à grand peine une autorisation auprès des ministères concernés.

Le Nouveau Carré Silvia Monfort, dit "premier centre culturel de Paris" ouvre la voie de la représentation des arts de la rue : cirque, mime, ballet et chanson sont au programme. En avril 1975, le "cirque d'été" ouvre ses portes et présente un spectacle de cirque à l'ancienne.


La directrice crée par ailleurs une école de cirque qui prend place dans le foyer du théâtre où des trapèzes sont suspendus. Cette première école de cirque française donne naissance au "Conservatoire National des Arts du Cirque et du Mime", dont la direction est assurée par Alexis Gruss.

Photo Sophie Bassouls
S. Monfort, B. Pivot et J. Martin dans le foyer

Le spectacle théâtral d'ouverture est Les Comptoirs de la baie d'Hudson de Jacques Guimet. Le dramaturge-universitaire encore inconnu, très influencé par Wilson, fait appel à ses étudiants de la Sorbonne-Nouvelle pour ce travail au rythme très lent, à mi-chemin entre théâtre et danse.

Puis, dans un but de promotion de la chanson française et d'initiation auprès des enfants, quelques chanteurs alors inconnus y font leurs débuts : Alain Souchon, Yves Duteil, Pia Colombo, Dick Annegarn, Monique Morelli chantant des poèmes d'Aragon…

En 1977, Silvia Monfort donne une soirée poétique avec la participation de Guy Béart, Mouloudji, Claude Nougaro, Maxime Le Forestier accompagnés des comédiens Michel Bouquet et Daniel Gélin.

La saison suivante s'ouvre avec Lucrèce Borgia, qui a précédemment triomphé au Festival d'Avignon, dans une mise en scène de Fabio Pacchioni, avec Silvia Monfort dans le rôle de Lucrèce et François Maistre en Gubetta.

Photo D.R.


La deuxième création présentée est la Dame de la mer d'Ibsen, ouvrant ainsi un cycle consacré à l'auteur norvégien.

Dans cette pièce, Silvia, dirigée par Jean-Louis Thamin, s'illustre au côté de Michel Auclair, dans un décor très sophistiqué signé Françoise Darne où bouleaux et nénuphars se reflétent dans l'eau des bassins.

Silvia Monfort a toujours été à l'écoute des spectateurs et particulièrement du jeune public. Elle créa dès son arrivée un services des relations pédagogiques afin de faire régulièrement des prospections dans les écoles et centres aérés, la priorité étant donnée aux enfants des troisième et quatrième arrondissements de Paris. Spectacles, ateliers de pratique en rapport avec l'actualité sont animer par des professionnels, à destination de tous. Des expositions sur les représentations prennent place dans le hall d'entrée du Nouveau Carré.

La quatrième saison affiche un nouveau thème de programmation : Théâtre et Pouvoir. Sont représentées : La Nuova Colonia de Pirandello, La Guerre civile de Montherlant, La Thébaïde de Racine.

Mais les conditions matérielles sont déplorables : lieu de répétition à peine chauffé, salle dans un mauvais état avec des trous de toutes parts et des courants d'air incessants... Le théâtre se trouve à nouveau menacé de fermeture.

En 1977, Jacques Chirac, maire de Paris, séduit par les lieux et par toutes les actions entreprises, décide de débloquer des crédits pour réaliser les travaux tant attendus. Jack Lang, alors conseiller socialiste de Paris, encourage vivement le projet : "C'est l'un des plus beaux théâtres à l'italienne de Paris. Il possède une acoustique excellente, un plateau encore plus vaste que celui de l'Odéon".

Silvia Monfort installe provisoirement le centre culturel sous une tente au Jardin d'acclimatation afin que les travaux avancent plus rapidement.

L'architecte Jean Nouvel est chargé du projet de réhabilitation de la Gaîté-Lyrique. Le coût des travaux est estimé à 70 millions de Francs pour une durée de deux ans. Mais les travaux ne voient pas le jour cette année-là, la Mairie de Paris remet le projet à plus tard... Silvia Monfort est optimiste et se persuade qu'il s'agit d'un manque de crédit.

En 1983, le chantier est intact. La réalité est la suivante : en 1979, le Théâtre de la Ville a connu un important incendie, la Vidéothèque coûte très cher et le Petit Palais prend l'eau…